Les couloirs du quartier général de la police de Montréal étaient inhabituellement bondés hier alors que le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) publiait ses statistiques complètes sur la criminalité pour le premier trimestre de 2024, révélant une ville en pleine mutation – où les progrès dans la lutte contre certains crimes coïncident avec des augmentations préoccupantes dans d’autres domaines.
La bataille de Montréal contre le vol de voitures semble gagner du terrain, avec une remarquable diminution de 32 % des vols de véhicules signalés par rapport à la même période l’année dernière. Cette évolution positive survient après des années d’application ciblée de la loi et de campagnes de sensibilisation communautaire qui ont finalement commencé à porter leurs fruits, selon l’inspecteur-chef du SPVM, Dominique Chartier.
“Les efforts coordonnés entre notre unité spécialisée dans le vol d’automobiles, la sécurité frontalière et les programmes de vigilance communautaire ont perturbé plusieurs réseaux majeurs de vol,” a expliqué Chartier lors du point de presse. “Cependant, nous restons prudents car le crime organisé adapte continuellement ses méthodes.”
Si les Montréalais peuvent respirer plus facilement concernant la sécurité de leurs véhicules, le rapport souligne des tendances préoccupantes en matière de crimes violents. Les agressions ont augmenté de 17 % dans toute la ville, avec une concentration notable dans les quartiers de divertissement du centre-ville et autour des stations de métro après la tombée de la nuit. Le SPVM attribue cette hausse partiellement à un signalement accru des incidents domestiques suite à de nouvelles initiatives de sensibilisation, mais reconnaît que la violence aléatoire dans les rues a véritablement augmenté.
Les signalements d’agressions sexuelles sont restés relativement stables avec une augmentation marginale de 2 %, bien que les défenseurs des victimes suggèrent que ces chiffres sous-représentent probablement l’ampleur réelle du problème. Pendant ce temps, le Canada dans son ensemble a connu des tendances variables dans le signalement des violences sexuelles, selon la récente couverture médiatique nationale.
“Nous avons mis en place une formation spécialisée pour les officiers qui traitent des cas sensibles,” a noté la porte-parole du SPVM, Véronique Dubuc. “La légère augmentation peut refléter une confiance croissante dans nos systèmes de signalement plutôt qu’une réelle hausse des incidents.”
Les crimes contre les biens présentent un tableau mitigé à travers les divers quartiers de Montréal. Alors que les cambriolages résidentiels ont chuté de 8 %, les établissements commerciaux ont connu une augmentation de 12 % des cambriolages. Les statistiques révèlent de fortes disparités géographiques, l’arrondissement de Montréal-Nord signalant le taux le plus élevé d’effractions, tandis que Westmount et Outremont maintiennent les taux les plus bas.
Les infractions liées aux drogues affichent une baisse de 22 %, bien que les responsables policiers préviennent que cela pourrait refléter l’évolution des priorités en matière d’application de la loi plutôt qu’une réduction réelle des activités liées aux drogues. La légalisation du cannabis continue de remodeler le paysage de la lutte contre les drogues, les ressources étant de plus en plus concentrées sur la lutte contre la crise des opioïdes et les réseaux de distribution de drogues synthétiques qui se sont implantés dans certains quartiers.
Ces statistiques ont des implications politiques immédiates, alors que le conseil municipal débat de l’allocation du prochain budget de sécurité publique. La mairesse Valérie Plante a réagi au rapport en réaffirmant l’engagement de son administration envers la police de proximité et les stratégies de prévention.
“Ces chiffres nous indiquent où nous devons concentrer nos ressources,” a déclaré Plante. “La réduction des vols de véhicules prouve que les approches ciblées fonctionnent, et nous appliquerons des stratégies similaires pour faire face à l’augmentation des agressions.”
Les conseillers de l’opposition ont déjà critiqué l’approche de l’administration, réclamant une présence policière accrue dans les zones à forte criminalité et l’expansion des réseaux de caméras de surveillance dans l’ensemble du système de transport en commun.
Du point de vue des affaires, la Chambre de commerce de Montréal a exprimé son inquiétude face à l’augmentation des cambriolages commerciaux, avertissant que les coûts de sécurité deviennent un fardeau croissant pour les propriétaires de petites entreprises, particulièrement dans les zones en cours de revitalisation économique.
Le rapport du SPVM examine également les crimes haineux, qui ont connu une augmentation préoccupante de 27 % par rapport à 2023, les communautés juives, musulmanes et LGBTQ+ étant les plus fréquemment ciblées. Les leaders communautaires ont appelé à un renforcement de l’application de la loi et à des initiatives éducatives pour combattre cette tendance.
Dans le contexte international, les tendances criminelles de Montréal s’alignent sur celles observées dans plusieurs centres urbains nord-américains, selon les données comparatives des rapports de sécurité publique mondiaux. Des grandes villes comme Toronto, Chicago et Boston ont également signalé des diminutions des vols d’automobiles tout en luttant contre certaines catégories de crimes violents.
Alors que Montréal se prépare pour sa saison touristique estivale animée, ces statistiques soulèvent d’importantes questions sur l’allocation des ressources et la sécurité communautaire. L’application ciblée de la loi continuera-t-elle à faire baisser les vols de véhicules, ou les réseaux criminels déplaceront-ils simplement leurs opérations vers d’autres types de crimes? Et, peut-être plus crucialement, comment la ville peut-elle faire face à l’augmentation des agressions sans compromettre les approches communautaires qui se sont avérées efficaces dans d’autres domaines?