L’équilibre diplomatique délicat a commencé. Alors que le Canada se prépare à accueillir le sommet du G7 en 2025, une ombre particulière plane sur les comités de planification et les séances d’information : le retour potentiel de Donald Trump à la Maison-Blanche. Sa résurrection politique surprenante et son avance considérable dans les primaires républicaines ont forcé les responsables canadiens à affronter une question stratégique délicate que peu auraient anticipée il y a quelques mois.
Le moment ne pourrait être plus politiquement chargé. Si les vents électoraux soufflent comme le suggèrent les sondages actuels, le Canada pourrait se retrouver à accueillir un sommet avec un président Trump nouvellement réinstallé—un dirigeant dont le premier mandat se caractérisait par une imprévisibilité diplomatique et une refonte fondamentale de l’approche américaine envers ses plus anciennes alliances. La question qui hante les couloirs d’Ottawa n’est pas de savoir s’il faut se préparer à cette possibilité, mais comment le faire sans sembler anticiper les résultats électoraux américains.
“C’est l’équivalent diplomatique de marcher sur des œufs,” explique Dr. Martin Beauregard, professeur de relations internationales à l’Université McGill. “Le Canada doit simultanément se préparer à toute administration américaine possible tout en paraissant complètement neutre concernant les processus démocratiques américains.”
En coulisses, cependant, des sources suggèrent que les fonctionnaires canadiens développent ce qui équivaut à un processus de planification à double voie. L’une suit les protocoles diplomatiques conventionnels pour dialoguer avec l’administration Biden, tandis que l’autre envisage discrètement des scénarios pour gérer un G7 avec Trump à la table—une approche prudente étant donné les enjeux.
Le premier mandat présidentiel de Trump a connu des moments de tension significative avec le Canada. La renégociation de l’ALENA par son administration, l’imposition de tarifs sur l’aluminium et l’acier canadiens sous de douteuses justifications de “sécurité nationale”, et les critiques publiques du Premier ministre Trudeau ont créé une tension sans précédent entre les pays voisins. Comme me l’a confié un ancien diplomate canadien, “Il y a eu un changement fondamental dans notre approche de la relation—d’un partenariat présumé à une gestion prudente.”
Le sommet du G7 de 2018 à Charlevoix, au Québec, fournit un avertissement. Trump a brusquement retiré son approbation du communiqué conjoint après être parti tôt, attaquant Trudeau sur les médias sociaux comme étant “malhonnête et faible”. Les responsables canadiens n’ont pas oublié cette rupture diplomatique, ni ses implications pour les responsabilités d’accueil.
À quoi pourrait ressembler un G7 influencé par Trump en 2025? Le sommet pourrait devenir une scène pour les priorités de son administration : négociations bilatérales plutôt que consensus multilatéral, scepticisme envers les initiatives climatiques, et nationalisme économique renouvelé. Pour le Canada, cela présente à la fois des défis et des opportunités.
“Le Canada a en fait un manuel du premier mandat de Trump,” note l’analyste de politique étrangère Rebecca Davidson. “Ils ont appris à faire appel aux intérêts spécifiques des États-Unis plutôt qu’aux valeurs partagées, à engager des conseillers économiques et des responsables au niveau des États lorsque les relations avec la Maison-Blanche devenaient tendues, et à construire des canaux diplomatiques résilients qui pourraient résister à la volatilité présidentielle.”
Le pouvoir de définir l’ordre du jour de la nation hôte confère au Canada un levier modeste. En structurant les discussions autour de domaines d’accord potentiels—peut-être la sécurité frontalière, les minéraux critiques, ou la compétitivité économique nord-américaine—les responsables canadiens pourraient créer un espace pour un engagement productif même au sein d’un sommet potentiellement fracturé.
Les préparatifs doivent également tenir compte du paysage géopolitique plus large. Les relations entre les membres du G7 et la Chine se sont considérablement détériorées depuis le premier mandat de Trump. La Russie reste isolée après son invasion de l’Ukraine. Ces dynamiques évolutives peuvent créer de nouvelles opportunités d’alignement, même parmi des dirigeants aux styles et priorités divergents.
Ce qui rend cette situation particulièrement complexe est la nécessité de maintenir des relations productives avec l’administration actuelle tout en se préparant à son remplacement potentiel. Toute perception que le Canada joue sur les deux tableaux pourrait miner la confiance nécessaire à une diplomatie efficace.
Le milieu des affaires observe attentivement. Les industries canadiennes qui ont survécu aux turbulences du premier mandat de Trump—de la fabrication automobile à l’agriculture—élaborent discrètement leurs propres plans d’urgence. Comme l’a dit un dirigeant d’association industrielle, “Nous nous préparons à tout résultat tout en espérant la stabilité.”
Les responsables canadiens ne reconnaîtront jamais publiquement leurs préparatifs spécifiques à Trump. Diplomatiquement, ils ne le peuvent pas. Mais la démarche responsable exige une préparation à tous les scénarios, en particulier ceux qui pourraient fondamentalement modifier l’ordre international que le G7 a été créé pour maintenir.
L’aspect peut-être le plus difficile de cette préparation est sa nature nécessairement incomplète. Trump 2.0, s’il se matérialise, pourrait différer significativement de sa première administration. De nouveaux conseillers, des priorités évoluées et un monde changé pourraient produire différentes approches des forums internationaux comme le G7.
Alors que les Canadiens se préparent à accueillir les économies les plus puissantes du monde sur nos côtes en 2025, la planification reflète une vérité plus profonde sur la diplomatie moderne : à une époque de volatilité politique, la capacité à s’adapter peut s’avérer plus précieuse que n’importe quelle stratégie spécifique.
L’éléphant est effectivement dans la pièce. Les responsables canadiens ne peuvent pas reconnaître sa présence, mais ils doivent néanmoins naviguer soigneusement autour—mesurant l’espace qu’il pourrait occuper, anticipant ses mouvements, et se préparant soit à son arrivée, soit à son absence. En diplomatie, comme en politique, la préparation n’est pas seulement prudente—elle est essentielle.
Reste à voir si cette danse délicate produira un sommet productif, peu importe qui siège à la table représentant notre allié le plus proche et notre plus grand partenaire commercial. Pour le Canada, cela pourrait être la véritable mesure du succès diplomatique en ces temps incertains.