La stratégie d’exportation de GNL du Canada risque de répéter les erreurs de l’Australie

Daniel Moreau
6 Min Read
Disclosure: This website may contain affiliate links, which means I may earn a commission if you click on the link and make a purchase. I only recommend products or services that I personally use and believe will add value to my readers. Your support is appreciated!

Dans la précipitation pour positionner le Canada comme une puissance mondiale du gaz naturel liquéfié, nous ignorons les leçons cruciales venues d’Australie qui pourraient revenir nous hanter. L’essor du GNL australien offre une étude de cas édifiante qui mérite notre attention avant que nous ne reproduisions leurs faux pas sur le sol canadien.

Lorsque l’Australie s’est lancée dans sa stratégie ambitieuse d’exportation de GNL au début des années 2000, la promesse était séduisante : croissance économique, création d’emplois et sécurité énergétique. Aujourd’hui, les consommateurs australiens font face à des prix intérieurs du gaz qui montent en flèche, tandis que les multinationales engrangent des milliards de profits à l’exportation. Ce décalage entre l’intérêt national et le gain des entreprises n’était pas inévitable – c’était le résultat prévisible d’une conception politique défaillante.

Le Canada se trouve à un carrefour similaire. Avec des projets comme GNL Canada en Colombie-Britannique qui progressent vers leur achèvement et de nombreux autres à divers stades de planification à travers le pays, nous assistons à la naissance de ce que beaucoup espèrent être notre prochain boom des ressources. Le récit est convaincant : le gaz naturel canadien destiné aux marchés asiatiques affamés d’énergie pourrait réduire la consommation mondiale de charbon tout en stimulant la prospérité économique chez nous.

Mais l’histoire de l’Australie révèle les pièges potentiels. Quand ils ont ouvert les vannes aux exportations de GNL sans protections adéquates pour l’approvisionnement intérieur, la conséquence a été un marché à deux vitesses où les utilisateurs locaux se sont soudainement retrouvés en concurrence avec des acheteurs internationaux prêts à payer des prix premium. Le résultat? Les fabricants et les ménages australiens ont fait face à des factures d’énergie qui ont doublé ou triplé, créant un stress économique qui s’est répercuté dans leur économie.

La promesse de prospérité liée au GNL comporte des clauses en petits caractères que les décideurs négligent souvent,” explique l’économiste de l’énergie Patricia Mohr. “Sans garanties appropriées, les consommateurs nationaux subventionnent effectivement le commerce d’exportation par des prix plus élevés.”

Le marché canadien du gaz a historiquement bénéficié d’un relatif isolement, avec des prix généralement inférieurs aux références mondiales. Cet avantage a soutenu notre secteur manufacturier et maintenu les coûts de chauffage à un niveau raisonnable pour les ménages canadiens. En nous connectant aux marchés mondiaux via les exportations de GNL, cette isolation disparaît.

Ce qui est particulièrement préoccupant, c’est l’absence de débat public robuste autour de ces conséquences potentielles. Alors que les représentants de l’industrie vantent les avantages économiques, il y a eu étonnamment peu de discussions sur la mise en œuvre de politiques qui protégeraient les consommateurs et les entreprises canadiennes contre les chocs de prix.

L’Australie a finalement mis en place un “Mécanisme australien de sécurité du gaz domestique” qui permet au gouvernement de restreindre les exportations en cas de pénuries intérieures. Mais cela n’est venu qu’après des années de souffrance pour les consommateurs et les entreprises locales. Le mécanisme lui-même reste controversé et s’est avéré difficile à appliquer efficacement.

Le Canada a le luxe de tirer des leçons de l’expérience australienne plutôt que de la répéter. Des options politiques existent qui pourraient équilibrer les ambitions d’exportation avec les besoins intérieurs : quotas d’exportation liés à des garanties d’approvisionnement national, plafonds de prix pour les consommateurs canadiens, ou structures de redevances qui captent plus de valeur pour le bénéfice public.

Les enjeux vont au-delà de l’économie. Alors que nous naviguons entre engagements climatiques et transitions énergétiques, le gaz naturel joue un rôle complexe. Bien que plus propre que le charbon lorsqu’il est brûlé, les émissions de méthane liées à sa production et son transport soulèvent de sérieuses préoccupations climatiques. Si nous exportons du gaz sous la bannière du progrès climatique, nous devons nous assurer que la comptabilisation des émissions est honnête et complète.

Les partenariats autochtones représentent une autre dimension cruciale qui distingue le contexte canadien. De nombreuses Premières Nations voient le développement du GNL comme une opportunité économique, tandis que d’autres s’opposent aux projets sur leurs territoires traditionnels. Une véritable réconciliation exige que ces perspectives façonnent notre approche nationale plutôt que d’être traitées comme des considérations secondaires.

Les dimensions culturelles de ce débat sur les ressources reflètent des questions plus profondes sur l’identité canadienne. Nous contentons-nous de rester principalement des exportateurs de ressources, ou pouvons-nous construire des industries à valeur ajoutée qui créent une prospérité plus durable? Les réponses façonneront non seulement notre économie mais aussi notre société pour les générations à venir.

Alors que les gouvernements fédéral et provinciaux élaborent des cadres réglementaires pour cette industrie naissante, ils seraient bien avisés d’étudier attentivement l’expérience australienne. La fenêtre pour mettre en place une architecture politique adéquate est étroite et se referme rapidement à mesure que les projets avancent.

Le Canada tracera-t-il une voie plus équilibrée pour le développement du GNL, ou la vision à court terme nous conduira-t-elle à répéter les erreurs de l’Australie? Le choix nous appartient encore, mais le moment de ce choix, c’est maintenant – avant que les premiers navires-citernes ne quittent nos côtes.

Partager cet article
Laisser un commentaire

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *