L’ombre longue des politiques commerciales de l’ère Trump semble prête à s’étendre bien dans l’avenir, alors que la secrétaire américaine au Commerce Gina Raimondo a envoyé des signaux préoccupants pour les entreprises et les consommateurs canadiens. Lors d’une récente audience au Sénat, Raimondo a indiqué que les tarifs imposés sur l’aluminium et l’acier canadiens durant l’administration précédente pourraient rester fermement en place, remettant en question les suppositions selon lesquelles ces mesures ne seraient que des perturbations temporaires des relations commerciales nord-américaines.
“Ces tarifs se sont avérés être des outils efficaces pour protéger les travailleurs et les industries américaines,” a déclaré Raimondo lors de questions du Comité des finances du Sénat. “Bien que nous valorisions notre relation avec le Canada, nous devons nous assurer que nos politiques commerciales privilégient d’abord les intérêts économiques américains.”
Les tarifs controversés, initialement mis en œuvre en 2018 en vertu de l’article 232 de la Loi sur l’expansion du commerce citant des “préoccupations de sécurité nationale”, ont été une source persistante de tension entre ces partenaires commerciaux historiquement alignés. Malgré les espoirs suite à l’engagement initial de l’administration Biden de reconstruire les alliances internationales, cette dernière position suggère une adhésion bipartisane continue aux politiques commerciales protectionnistes.
Les responsables canadiens ont constamment soutenu que ces tarifs sont injustifiés, soulignant les chaînes d’approvisionnement profondément intégrées qui profitent aux deux nations. La ministre du Commerce Mary Ng a rapidement répondu aux commentaires de Raimondo, soulignant que “le Canada a toujours été le fournisseur le plus fiable d’aluminium et d’acier pour l’Amérique, crucial pour la sécurité nationale américaine et les capacités manufacturières.”
L’analyse économique du bureau d’affaires de CO24 indique que ces mesures ont augmenté les coûts pour les fabricants des deux côtés de la frontière. Une étude récente de l’Institut C.D. Howe a estimé que les tarifs ont coûté aux producteurs canadiens environ 3,2 milliards de dollars annuellement tout en augmentant simultanément les prix pour les consommateurs américains de 7 à 10% en moyenne sur les produits concernés.
Les implications vont au-delà des impacts économiques immédiats. Les experts en politique commerciale interrogés par CO24 Nouvelles Mondiales suggèrent que cette position signale des changements plus profonds dans la philosophie commerciale américaine qui transcendent les lignes partisanes.
“Ce que nous observons est la consolidation d’un nouveau consensus à Washington sur le commerce,” explique Dr. Eleanor Sanchez, professeure d’économie internationale à l’Université de Toronto. “L’ère de la défense réflexive du libre-échange a cédé la place à un nationalisme économique stratégique qui est peu susceptible de s’inverser, peu importe qui occupe la Maison Blanche.”
Pour les industries canadiennes, particulièrement dans les centres manufacturiers à travers l’Ontario et le Québec, la perspective de tarifs permanents nécessite un recalibrage stratégique. Plusieurs grands producteurs d’acier et d’aluminium ont déjà commencé à diversifier leurs marchés d’exportation, avec un accent particulier sur les opportunités européennes et asiatiques.
Le gouvernement canadien a maintenu ses tarifs de représailles sur environ 3,6 milliards de dollars d’importations américaines, créant un équilibre précaire qui ne résout pas complètement le différend ni ne permet son escalade. Des sources dans les cercles politiques canadiens suggèrent qu’Ottawa prépare des plans d’urgence au cas où la situation se détériorerait après la prochaine élection présidentielle américaine.
Au-delà des calculs économiques immédiats se pose une question plus profonde sur l’avenir de l’intégration économique nord-américaine. L’ACEUM (Accord Canada-États-Unis-Mexique), bien que représentant un cadre commercial modernisé, n’a pas empêché des actions commerciales unilatérales qui minent son esprit de coopération.
Alors que les entreprises des deux côtés de la frontière naviguent dans ce paysage incertain, les consommateurs supportent finalement les coûts de ces frictions commerciales continues. Avec les préoccupations d’inflation qui pèsent déjà sur les budgets des ménages, la prime supplémentaire sur les produits affectés par ces actions tarifaires ne fait qu’aggraver les pressions économiques.
Les mois à venir seront cruciaux pour déterminer si la coopération pragmatique peut prévaloir sur les impulsions protectionnistes. Comme l’a noté la secrétaire au Commerce Raimondo dans ses remarques de conclusion, “Nous restons ouverts aux discussions avec nos partenaires canadiens, mais toute résolution doit répondre aux préoccupations légitimes américaines concernant les conditions du marché.”
La question qui demeure pour les deux nations est de savoir si leur partenariat économique séculaire peut évoluer pour relever les défis actuels, ou si nous assistons au début d’une divergence plus fondamentale et permanente dans la façon dont l’Amérique du Nord mène son commerce intérieur. Quel prix les citoyens des deux côtés de la frontière sont-ils prêts à payer pour des politiques qui peuvent protéger des industries spécifiques tout en augmentant les coûts dans l’ensemble de l’économie?