Dans une révélation troublante qui remet en question les espoirs d’amélioration des relations commerciales canado-américaines, l’ambassadeur américain à Ottawa a confirmé que les tarifs punitifs de Donald Trump sur les produits canadiens n’ont pas de date d’expiration en vue, malgré les suggestions antérieures qu’il pourrait s’agir de mesures temporaires.
“Ces tarifs n’ont pas été mis en œuvre comme des tactiques de négociation à court terme,” a déclaré l’ambassadeur américain David Cohen lors d’une récente allocution aux leaders d’entreprises canadiennes à Toronto. “Ils reflètent des préoccupations fondamentales concernant les déséquilibres commerciaux que l’administration estime devoir être résolus par une pression économique soutenue.”
La taxe de 10 % sur l’aluminium canadien et le tarif de 25 % sur les produits d’acier, initialement imposés par l’administration Trump en 2018 en invoquant des “préoccupations de sécurité nationale”, ont considérablement perturbé le commerce transfrontalier, les exportateurs canadiens signalant plus de 3,6 milliards de dollars de revenus perdus depuis leur mise en œuvre.
Les analystes de l’industrie notent que ces barrières commerciales se sont avérées particulièrement dommageables pour le secteur manufacturier canadien, où l’acier et l’aluminium servent d’intrants essentiels pour tout, de la production automobile aux projets d’infrastructure de construction et d’énergie.
“Ce qui est particulièrement préoccupant, c’est la suggestion que ces mesures sont maintenant considérées comme des éléments permanents plutôt que comme des outils de négociation,” a expliqué Dre Elise Moreau, spécialiste en politique commerciale à l’Université de Toronto. “Cela représente un changement fondamental dans la façon dont nous devons aborder l’intégration économique continentale à l’avenir.”
Les commentaires de l’ambassadeur contredisent directement les déclarations précédentes des représentants commerciaux de la Maison Blanche qui avaient caractérisé les tarifs comme un levier pour obtenir des conditions plus favorables dans l’accord ACEUM. Cet accord, qui a remplacé l’ALENA en 2020, était censé inaugurer une nouvelle ère de stabilité commerciale entre les partenaires nord-américains.
Les responsables du gouvernement canadien ont réagi avec une frustration mesurée. La ministre des Affaires étrangères Mélanie Joly a souligné que “le Canada a constamment démontré notre engagement envers des pratiques commerciales équitables”, ajoutant que “ces mesures punitives nuisent aux travailleurs et aux entreprises des deux côtés de la frontière.”
L’analyse économique de l’Institut C.D. Howe suggère que l’application continue de ces tarifs pourrait éventuellement réduire le PIB canadien jusqu’à 0,8 %, tout en augmentant ironiquement les coûts pour les fabricants américains qui dépendent des intrants canadiens.
“L’ironie est que ces tarifs ont été ostensiblement mis en œuvre pour protéger les emplois américains, mais les augmentations de prix et les perturbations de la chaîne d’approvisionnement qui en résultent ont en fait éliminé environ 16 000 postes manufacturiers américains,” a noté Richard Wakefield, économiste en chef à la Banque Toronto-Dominion.
Pour des communautés comme Hamilton, en Ontario, et Saguenay, au Québec, où la production d’acier et d’aluminium constitue l’épine dorsale des économies locales, la confirmation de l’ambassadeur représente des nouvelles particulièrement troublantes. Les dirigeants municipaux de ces régions signalent une augmentation du taux de chômage de près de 3 % depuis l’entrée en vigueur des tarifs.
“Nous gardions l’espoir qu’une politique économique rationnelle finirait par prévaloir,” a déclaré Carlos Restrepo, PDG de l’Alliance nord-américaine des métaux. “Au lieu de cela, nous voyons la politique triompher de la prospérité, avec des conséquences réelles pour les familles et les communautés qui dépendent de ces industries.”
Alors que les marchés mondiaux s’adaptent à cette nouvelle normalité dans les relations commerciales nord-américaines, la question demeure : le Canada peut-il développer des stratégies efficaces pour protéger sa base industrielle tout en naviguant dans un paysage international de plus en plus protectionniste, ou sommes-nous témoins du début d’une restructuration fondamentale de l’ordre économique mondial?