Le paysage financier des épargnants canadiens s’est radicalement transformé au cours de la dernière année. Les comptes d’épargne à intérêt élevé (CEIÉ), autrefois dormants, ont repris vie avec des taux supérieurs à 5%, suscitant un intérêt sans précédent chez les consommateurs. Ce changement historique entraîne une révolution bancaire, les Canadiens déplaçant de plus en plus leur argent des institutions traditionnelles vers des options alternatives qui récompensent leurs dépôts.
“Nous assistons à une refonte fondamentale du marché de l’épargne,” explique Natasha Macmillan, directrice des services bancaires quotidiens chez Ratehub.ca. “Les Canadiens réalisent enfin qu’ils n’ont pas besoin d’accepter des rendements presque nuls sur leurs fonds d’urgence et leurs épargnes à court terme.”
Les chiffres racontent une histoire convaincante. Les dépôts canadiens dans les banques alternatives et les coopératives de crédit offrant des taux préférentiels ont augmenté de plus de 30% depuis début 2023, selon les données de la Banque du Canada. Parallèlement, plusieurs grandes banques signalent des sorties importantes de leurs produits d’épargne traditionnels qui continuent d’offrir des rendements médiocres inférieurs à 1%.
Le catalyseur de cette transformation est la hausse agressive des taux d’intérêt par la Banque du Canada pour lutter contre l’inflation. Si ces augmentations ont créé des défis pour les emprunteurs, elles ont ouvert des opportunités sans précédent pour les épargnants. Les institutions financières en concurrence pour les dépôts ont poussé les taux à des niveaux jamais vus depuis des décennies.
“La comparaison est frappante,” note l’experte en finances personnelles Kerry Taylor. “Un fonds d’urgence de 10 000 $ dans une grande banque pourrait vous rapporter 30 $ par an à leur taux standard de 0,3%. Ce même montant dans une banque en ligne offrant 5,25% génère 525 $ – suffisamment pour compenser significativement l’inflation.”
Cette disparité de taux a déclenché ce que les initiés de l’industrie appellent “la grande migration de l’épargne.” Neo Financial, EQ Bank et Oaken Financial sont en tête avec des taux entre 4,5% et 5,25%, tandis que la plupart des grandes banques maintiennent des taux inférieurs à 1% sur les comptes d’épargne standard. Le résultat? Les consommateurs votent avec leur argent.
Pour de nombreux Canadiens, les rendements plus élevés représentent leur première occasion de connaître une croissance réelle sur leur épargne liquide. Emily Chen, une résidente de Vancouver de 34 ans, a récemment transféré son fonds d’urgence vers une banque en ligne offrant 5,1%. “J’ai gagné plus d’intérêts en trois mois que pendant les cinq années précédentes combinées,” dit-elle. “J’ai l’impression d’avoir découvert de l’argent qui était juste devant moi depuis le début.”
La transition n’a pas été sans défis. Certains épargnants font part de leur hésitation à déplacer des fonds vers des institutions moins familières, de préoccupations concernant l’accès et de questions sur l’assurance-dépôts. Cependant, l’éducation concernant la protection de la SADC a aidé à apaiser ces inquiétudes, car la plupart des fournisseurs alternatifs offrent la même assurance-dépôts garantie par le gouvernement de 100 000 $ que les grandes banques.
Les analystes financiers prédisent que cette tendance se poursuivra en 2024, bien qu’avec des taux potentiellement plus modérés si la Banque du Canada commence à assouplir sa politique monétaire. Même avec d’éventuelles baisses de taux, beaucoup s’attendent à ce que le paysage concurrentiel ait changé de façon permanente.
“Cette période a créé un consommateur plus instruit financièrement,” déclare Rona Birenbaum, conseillère financière basée à Toronto. “Les personnes qui ont connu des rendements de 5% sur l’épargne ne reviendront pas facilement à accepter 0,3% quand des alternatives existent.”
Pour les Canadiens qui gardent encore des fonds substantiels dans des comptes à faible intérêt, le message des experts est clair : examinez vos options. La différence entre se contenter des taux traditionnels et adopter des alternatives compétitives pourrait signifier des milliers de dollars d’intérêts supplémentaires par an – essentiellement de l’argent gratuit pour ceux qui sont prêts à faire le changement.
Alors que cette révolution de l’épargne se poursuit, une question demeure : les grandes banques finiront-elles par augmenter leurs taux pour rester compétitives, ou continueront-elles à perdre des parts de dépôts au profit de concurrents plus agiles? La réponse pourrait façonner le secteur bancaire canadien pour les années à venir.