Dans ce que les responsables de la santé qualifient de « tendance profondément préoccupante », les taux de vaccination contre la rougeole dans les provinces maritimes ont chuté à leur niveau le plus bas depuis plus d’une décennie, créant des poches vulnérables où cette maladie hautement contagieuse pourrait se propager rapidement. Des données récentes des autorités sanitaires provinciales révèlent que les taux de vaccination dans certaines régions du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse et de l’Île-du-Prince-Édouard sont tombés en dessous du seuil critique de 95 % nécessaire pour une protection communautaire efficace.
« Nous assistons à un parfait concours de circonstances », explique la Dre Martha Coleman, médecin-hygiéniste en chef de la Nouvelle-Écosse. « La combinaison des perturbations liées à la pandémie dans les soins de santé de routine, l’hésitation croissante face aux vaccins et la résurgence du sentiment anti-vaccination sur les médias sociaux a créé des lacunes dangereuses dans notre immunité collective. »
Les statistiques dressent un tableau inquiétant. Dans les régions rurales du Nouveau-Brunswick, les taux de vaccination RRO (rougeole, oreillons, rubéole) chez les enfants entrant à la maternelle sont tombés à seulement 87 %, tandis que certaines communautés du Cap-Breton signalent des taux aussi bas que 83 %. Les responsables de la santé avertissent que ces chiffres sont insuffisants pour prévenir d’éventuelles épidémies si la rougeole était introduite dans ces communautés.
Cette tendance préoccupante a déjà eu des conséquences concrètes. Trois petites mais importantes éclosions de rougeole ont été documentées dans les Maritimes au cours du premier semestre 2025, touchant principalement des enfants non vaccinés et des personnes immunodéprimées. La plus importante s’est produite dans une école de la région de Fredericton, où 14 cas ont été confirmés avant que les mesures de confinement ne réussissent à arrêter la transmission.
« La rougeole n’est pas juste une éruption cutanée et de la fièvre – elle peut causer des complications graves comme la pneumonie, l’encéphalite et même la mort », affirme le Dr James Terrance, spécialiste des maladies infectieuses pédiatriques au Centre de santé IWK à Halifax. « Ce qui est particulièrement frustrant, c’est que ces cas sont entièrement évitables. Le vaccin RRO est sûr, efficace et soutenu par des décennies de preuves. »
Les ministères de la Santé provinciaux des Maritimes ont lancé des campagnes de sensibilisation coordonnées ciblant les communautés aux taux de vaccination les plus bas. Des cliniques de vaccination mobiles, des heures prolongées dans les bureaux de santé publique et des programmes de partenariat avec les écoles visent à rendre la vaccination plus accessible. Cependant, les responsables de la santé reconnaissent que la lutte contre l’hésitation vaccinale nécessite plus qu’un simple accès amélioré.
Cette baisse semble s’inscrire dans une tendance nationale plus large. Selon les reportages de plusieurs médias canadiens, des schémas similaires ont émergé dans plusieurs provinces, bien que les Maritimes présentent actuellement certaines des diminutions les plus significatives.
« Nous ne combattons pas seulement un virus; nous combattons la désinformation », note la Dre Coleman. « De nombreux parents qui retardent ou refusent la vaccination pour leurs enfants sont sincèrement préoccupés et essaient de prendre les meilleures décisions. Notre travail est de s’assurer qu’ils disposent d’informations exactes et comprennent les risques très réels de laisser les enfants sans protection. »
Les défis sont particulièrement aigus dans les communautés rurales et éloignées des Maritimes, où l’accès aux soins de santé peut être limité et où les médias sociaux peuvent servir de source principale d’information sur la santé. Les travailleurs de la santé communautaire rapportent rencontrer des discours anti-vaccination de plus en plus sophistiqués qui peuvent être difficiles à évaluer de façon critique pour les parents.
Les économistes soulignent également les coûts sociétaux plus larges des taux de vaccination en baisse. Selon plusieurs analyses économiques, les épidémies de rougeole créent un fardeau économique substantiel par les coûts directs des soins de santé, la perte de productivité et la pression sur les ressources de santé publique.
Les autorités sanitaires exhortent les parents à vérifier les dossiers de vaccination de leurs enfants et à s’assurer qu’ils sont à jour. Le calendrier standard du vaccin RRO prévoit une première dose à 12 mois et une seconde dose entre 4 et 6 ans, bien que la vaccination de rattrapage soit disponible pour ceux qui ont manqué des doses.
Alors que les provinces maritimes travaillent à inverser cette tendance inquiétante, la question demeure : les initiatives de santé publique peuvent-elles surmonter les barrières sociales et informationnelles complexes qui alimentent l’hésitation vaccinale avant que des épidémies plus graves ne se produisent?