À une époque où la transparence est de plus en plus exigée des institutions publiques, le Barreau de l’Ontario (BDO) – l’organisme régissant les professionnels juridiques de la province – fait face à des critiques grandissantes concernant sa manière de traiter et de divulguer les plaintes contre les avocats. Une enquête révèle une opacité préoccupante dans le cadre réglementaire censé protéger les Ontariens contre les fautes professionnelles juridiques.
Lorsque les Ontariens cherchent une représentation juridique, ils accordent une énorme confiance à leur avocat. Pourtant, beaucoup ignorent que le processus disciplinaire destiné à protéger leurs intérêts fonctionne largement à huis clos. Le BDO reçoit environ 4 000 plaintes annuellement concernant les avocats et les parajuristes, mais seule une fraction devient connue du public.
“Le système actuel crée une asymétrie d’information qui désavantage les consommateurs de services juridiques,” explique Dr. Meredith Evans, chercheuse en éthique juridique à l’Université de Toronto. “Les clients méritent de savoir si leur avocat a un historique de plaintes, même celles qui n’ont pas abouti à des mesures disciplinaires formelles.”
Dans le cadre actuel, les plaintes contre les avocats restent confidentielles à moins qu’elles ne donnent lieu à une audience disciplinaire formelle – un seuil franchi par moins de 5% de toutes les plaintes. Cela signifie que des comportements préoccupants récurrents qui ne justifient pas individuellement une discipline formelle restent cachés aux clients potentiels.
Le BDO défend cette approche comme nécessaire pour protéger les avocats de dommages à leur réputation basés sur des allégations non prouvées. Le porte-parole Martin Reid a déclaré: “Le Barreau doit équilibrer la transparence avec l’équité envers les professionnels juridiques dont les moyens de subsistance dépendent de leur réputation.”
Cependant, les critiques pointent vers des juridictions comme le Colorado et la Floride où une plus grande transparence existe sans miner la profession juridique. Ces états publient des informations plus complètes sur les plaintes, y compris celles résolues par des moyens informels.
Les implications vont au-delà des relations individuelles client-avocat. L’impact financier d’une représentation juridique inadéquate peut être dévastateur, particulièrement dans des affaires à enjeux élevés comme les litiges commerciaux, le droit de la famille ou la défense pénale. Sans information complète sur l’historique professionnel de leur avocat, les clients ne peuvent pas prendre des décisions pleinement éclairées sur qui devrait représenter leurs intérêts.
Des experts juridiques canadiens ont de plus en plus appelé à une réforme. “Ce dont nous avons besoin, c’est d’un juste milieu,” soutient Sophia Ramirez, présidente de la Coalition pour la défense des consommateurs juridiques. “Toutes les plaintes ne justifient pas une divulgation publique, mais des schémas de plaintes similaires devraient déclencher une forme d’obligation de divulgation, même sans discipline formelle.”
Le cadre réglementaire du BDO fait également l’objet de critiques pour sa gestion des plaintes dans les cas politiquement sensibles. Lorsque les questions juridiques se croisent avec la politique, l’approche à huis clos des plaintes soulève des questions sur le traitement préférentiel potentiel accordé aux intérêts puissants.
Les défenseurs de la réforme suggèrent plusieurs solutions potentielles, notamment un système de divulgation à plusieurs niveaux où de multiples plaintes similaires déclencheraient des exigences de divulgation, même sans discipline formelle. D’autres propositions incluent des rapports anonymisés de statistiques de plaintes par avocat ou cabinet pour aider à identifier des tendances tout en protégeant les réputations individuelles jusqu’à ce que la faute professionnelle soit prouvée.
Alors que les services juridiques deviennent de plus en plus coûteux et conséquents, une question importante se pose: le cadre réglementaire actuel sert-il le public qu’il a été conçu pour protéger? Avec des demandes croissantes de responsabilisation dans tous les secteurs professionnels, combien de temps la profession juridique peut-elle maintenir un système de plaintes qui protège de la vue publique toutes les fautes professionnelles sauf les plus graves?