Le marché automobile canadien poursuit sa trajectoire de reprise, avec des chiffres de ventes en juin affichant une hausse de 3,4% par rapport à la même période l’année dernière. Mais sous cette comparaison annuelle positive se cache une tendance préoccupante qui fait sourciller les analystes de l’industrie – un ralentissement progressif de l’élan de croissance qui pourrait annoncer des temps difficiles pour le secteur.
Selon les dernières données de DesRosiers Automotive Consultants, environ 169 800 nouveaux véhicules ont trouvé preneurs à travers le Canada le mois dernier. Bien que cela représente le 18e mois consécutif de croissance des ventes en glissement annuel – une remarquable série de reprises suite à l’effondrement du marché causé par la pandémie – le rythme de cette croissance s’est visiblement relâché.
“Nous assistons à ce qui semble être un refroidissement naturel du marché après une phase intense de reprise,” a déclaré Andrew King, associé directeur chez DesRosiers. “La question qui se pose maintenant pour l’industrie est de savoir si cela représente un plateau temporaire ou le début d’un ralentissement plus prolongé.”
Ces chiffres de ventes arrivent dans un contexte de vents économiques contraires persistants. Les taux d’intérêt demeurent élevés malgré les récentes baisses de la Banque du Canada, et l’inflation continue de peser sur les budgets des ménages. Ces facteurs, combinés aux prix de transaction moyens record qui dépassent maintenant 47 000 $ pour les nouveaux véhicules, ont exercé une pression considérable sur l’accessibilité.
L’adoption des véhicules électriques continue d’être un point positif, avec des ventes de VÉ en hausse de 26% par rapport à juin 2023. Cependant, cette croissance reste principalement concentrée en Colombie-Britannique et au Québec, où les incitatifs provinciaux complètent les rabais fédéraux. L’Ontario, malgré qu’il soit le plus grand marché automobile du Canada, continue de traîner en matière d’adoption de VÉ sans incitatifs provinciaux à l’achat.
Les batailles pour les parts de marché continuent de s’intensifier parmi les fabricants. Les marques japonaises ont regagné une grande partie de leur assise après les perturbations de la chaîne d’approvisionnement, tandis que les constructeurs coréens Hyundai et Kia maintiennent leurs stratégies agressives de pénétration du marché. Les fabricants nationaux font face à des pressions alors que les préférences des consommateurs continuent de se tourner vers les multisegments et les VUS, des catégories où les marques importées ont établi de solides positions.
“La combinaison de l’incertitude économique et de l’évolution des préférences des consommateurs crée un paysage concurrentiel complexe,” a noté l’analyste de l’industrie Emma Richardson lors d’une entrevue. “Les fabricants qui peuvent efficacement naviguer à travers les défis d’accessibilité tout en répondant aux exigences de durabilité sortiront probablement plus forts de cette période de transition.”
À l’échelle régionale, les tendances de ventes reflètent les conditions économiques plus larges. L’Alberta et la Saskatchewan ont affiché une croissance plus forte, soutenue par une relative stabilité économique, tandis que les ventes de l’Ontario ont connu une croissance plus modeste. Le Canada atlantique a enregistré la performance régionale la plus faible, avec des ventes en juin essentiellement stables d’une année à l’autre.
Les niveaux d’inventaire se sont largement normalisés après des années de perturbations liées à la pandémie, les concessionnaires signalant environ 65 jours d’approvisionnement – près des moyennes historiques. Cette reprise des stocks a modifié la dynamique du marché, avec le retour des incitatifs et des rabais sur le marché après une absence prolongée.
Alors que l’industrie entre dans la seconde moitié de 2024, l’attention se tourne vers la question de savoir si les conditions économiques se stabiliseront suffisamment pour maintenir la croissance, ou si le ralentissement actuel s’intensifiera. Avec d’importantes transitions technologiques en cours et des pressions réglementaires croissantes, le secteur automobile canadien fait face à une période de transformation conséquente qui va bien au-delà des chiffres de ventes mensuels.
La route à venir pour le marché automobile canadien reste incertaine, mais une chose est claire – les gains faciles de la période de reprise post-pandémique semblent s’estomper dans le rétroviseur.