Dans une intervention sans précédent qui a provoqué des remous dans le paysage des relations de travail au Canada, la ministre fédérale du Travail, Marci Ien, a ordonné aux travailleurs de Postes Canada de voter directement sur les offres finales de la direction, contournant ainsi les négociations en cours entre la société d’État et ses deux plus grands syndicats.
La directive, annoncée hier après-midi lors d’une conférence de presse organisée à la hâte à Ottawa, survient après des mois de négociations de plus en plus tendues qui menacent de perturber le service postal à travers le pays, alors que les entreprises se préparent pour la saison cruciale des expéditions estivales.
“Après avoir soigneusement considéré l’impact économique potentiel et l’apparente impasse dans les négociations, j’exerce mon autorité en vertu du Code canadien du travail pour ordonner ce vote,” a déclaré la ministre Ien. “Cette décision n’a pas été prise à la légère, mais la perturbation potentielle des services essentiels et des entreprises canadiennes nécessite cette mesure extraordinaire.”
Le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP), qui représente environ 50 000 travailleurs postaux urbains et facteurs ruraux, a exprimé son indignation face à ce qu’il qualifie d’ingérence gouvernementale dans le processus de négociation collective. La présidente du syndicat, Jan Simpson, a qualifié cette mesure “d’attaque directe contre le droit des travailleurs à une négociation équitable.”
“Ce gouvernement avait promis de respecter le processus de négociation collective,” a déclaré Simpson à CO24 News. “Au lieu de cela, ils forcent effectivement nos membres à accepter une offre inadéquate qui ne répond pas aux préoccupations critiques concernant la sécurité au travail et les questions de rémunération.”
Selon des documents obtenus par CO24, les offres finales de Postes Canada comprennent une augmentation salariale annuelle de 2,5 % sur quatre ans, des modifications au régime de retraite pour les nouveaux employés, et des ajustements aux protocoles de livraison de colis que la société affirme améliorer l’efficacité face à la concurrence croissante des services de messagerie privés.
Les implications financières du conflit s’étendent au-delà de Postes Canada et de ses employés. Une analyse de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante suggère qu’une perturbation potentielle du courrier pourrait coûter aux petites entreprises environ 250 millions de dollars par semaine en paiements retardés, perturbations d’expédition et coûts de livraison alternatifs.
“Les petites entreprises se remettent encore des défis liés à la pandémie et des pressions inflationnistes,” a expliqué Corinne Pohlmann, vice-présidente principale des affaires nationales de la FCEI. “Une perturbation postale maintenant serait dévastatrice pour de nombreuses opérations qui dépendent de services postaux abordables.”
La Société canadienne des postes a défendu ses offres finales, le PDG Doug Ettinger affirmant qu’elles représentent “un équilibre raisonnable entre une rémunération équitable pour nos précieux employés et la viabilité financière d’un service postal en évolution.”
Les experts en relations de travail ont exprimé leur inquiétude quant au précédent que cette intervention établit. La professeure Stephanie Ross, directrice des études sur le travail à l’Université McMaster, a déclaré à CO24 Politics que “les votes forcés sur les offres des employeurs sapent généralement le processus de négociation et peuvent endommager les relations de travail pour les années à venir.”
Le vote forcé aura lieu au cours des deux prochaines semaines, avec des résultats attendus d’ici le 30 juin. Si les travailleurs rejettent les offres, les deux parties retourneront à la table des négociations, bien que le gouvernement n’ait pas exclu d’autres interventions, y compris une potentielle législation de retour au travail si des interruptions de service se produisent.
Alors que le Canada navigue dans ce défi important des relations de travail, la question fondamentale demeure : dans notre économie en évolution, comment équilibrer les droits des travailleurs à négocier une rémunération équitable contre l’intérêt public plus large pour des services essentiels ininterrompus?