Le président ukrainien Volodymyr Zelenskyy a annoncé aujourd’hui qu’il autorisera la création d’un tribunal spécial conçu spécifiquement pour poursuivre les dirigeants russes pour les crimes de guerre présumés commis pendant l’invasion en cours de l’Ukraine. Cette décision historique marque une escalade significative dans la quête de l’Ukraine pour obtenir des comptes sur ce que de nombreux observateurs internationaux ont qualifié de violations systématiques du droit humanitaire international.
“Il doit y avoir une responsabilité à tous les niveaux,” a déclaré Zelenskyy lors d’un point de presse à Kyiv. “Le tribunal spécial garantira que ceux qui ont orchestré cette agression contre notre souveraineté et notre peuple feront face à la justice, quelle que soit leur position ou leur pouvoir politique.”
Le tribunal représente une entreprise juridique complexe, fonctionnant parallèlement aux enquêtes déjà en cours à la Cour pénale internationale (CPI). Contrairement à la CPI, qui a des limitations concernant sa compétence sur le crime d’agression dans ce conflit, le tribunal spécial serait établi avec un mandat précis pour poursuivre les dirigeants russes pour avoir initié et exécuté la guerre contre l’Ukraine.
Des experts juridiques de toute l’Europe consultent depuis des mois les responsables ukrainiens pour établir le cadre de ce tribunal. Selon le ministre de la Justice Denys Maliuska, la cour suivrait les normes juridiques internationales tout en se concentrant spécifiquement sur la poursuite de ce que l’Ukraine caractérise comme un “crime d’agression” commis par les hauts dirigeants militaires et politiques russes.
“Il ne s’agit pas simplement de crimes de guerre individuels sur le champ de bataille,” a expliqué Helena Kostova, professeure de droit international à l’Université de Varsovie. “Le tribunal vise à aborder l’illégalité fondamentale de la décision de la Russie de faire la guerre à l’Ukraine en premier lieu.”
La collecte de preuves est en cours depuis les premiers jours de l’invasion, les procureurs ukrainiens documentant des milliers d’incidents allant des pertes civiles à la destruction d’infrastructures critiques. L’Union européenne et plusieurs alliés occidentaux ont promis leur soutien au tribunal, bien que sa mise en œuvre pratique présente des défis importants.
La Russie a catégoriquement rejeté la légitimité d’un tel tribunal, la porte-parole du ministère des Affaires étrangères Maria Zakharova le qualifiant de “spectacle politique sans fondement juridique.” Le Kremlin maintient que ses opérations militaires en Ukraine sont légitimes et nécessaires pour les intérêts de sécurité russes.
L’établissement du tribunal intervient alors qu’un nombre croissant de preuves documentent des crimes de guerre présumés à travers l’Ukraine. Les enquêteurs des Nations Unies ont vérifié de nombreux incidents de ciblage de civils, de torture et de déplacement forcé qui violent potentiellement les Conventions de Genève et d’autres piliers du droit humanitaire international.
Les efforts de poursuite de l’Ukraine ont déjà abouti à plusieurs condamnations de soldats russes pour des crimes spécifiques sur le champ de bataille, mais le tribunal spécial marquerait la première tentative de tenir les hauts dirigeants russes responsables de la décision d’envahir l’Ukraine en février 2022.
La ministre canadienne des Affaires étrangères Mélanie Joly a exprimé le soutien du Canada au tribunal lors de sa récente visite à Kyiv, déclarant que “la responsabilité doit atteindre jusqu’au sommet de la chaîne de commandement.” Ottawa s’est engagé à fournir une expertise financière et juridique pour aider à établir le cadre du tribunal.
Les experts juridiques préviennent que, bien que le tribunal représente une étape symbolique importante, les défis pratiques demeurent considérables. “La réalité est que poursuivre des dirigeants en exercice d’une puissance nucléaire présente des défis sans précédent,” note Geoffrey Robertson, expert en droit pénal international. “Mais établir les fondements juridiques maintenant est essentiel pour une responsabilité à long terme.”
Alors que l’Ukraine poursuit sa difficile guerre défensive contre les forces russes, cette initiative juridique souligne la nature multiforme du conflit—mené non seulement sur le champ de bataille mais aussi dans les chambres diplomatiques et les salles d’audience du monde entier. La question qui se pose maintenant à la communauté internationale est profonde : un tribunal spécial peut-il véritablement rendre justice lorsque ceux qu’il cherche à poursuivre restent au pouvoir et nient sa légitimité?